Qui n’a pas vu le film de Steven Spielberg, La Liste de Schindler, ou à défaut n’en a pas entendu parler, dans les médias ou même à l’école ? Présenté comme le sauveur de plus d’un millier de Juifs grâce à sa fameuse liste qui leur avait permis de rester travailler dans son usine au lieu d’être déportés, la réalité derrière la fiction du personnage d’Oskar Schindler est bien moins reluisante que ce que l’on veut nous faire croire : « C’est l’histoire d’un adhérent du parti Nazi, opportuniste, habitué à sauter en marche dans le train de l’histoire […] qui a saisi une opportunité financière unique consistant à faire travailler pour une bouchée de pain une main-d’œuvre réduite en esclavage. » Sa plus grande qualité est de sentir lorsque le vent tourne : nationaliste quand l’heure est au patriotisme, pangermaniste quand l’Allemagne est aux portes de la Tchécoslovaquie, espion pour le Reich quand sonne l’heure de l’invasion.

Mais c’est en Pologne qu’il rachètera, pour un prix dérisoire, la fabrique d’ustensiles émaillés qui lui permettra de laisser sa trace dans l’histoire. Et en Israël, à Yad Vashem, qu’il recevra le titre de Juste parmi les Nations, grâce à l’activisme de « ses » Juifs et à un roman, d’où sera tiré le film, qui a mis en scène sa vie et réinterprété ses actes, ses intentions et la genèse de la fameuse liste. Mais, comme le dit l’auteur, Thomas Keneally : « L’important, dans toute légende, ce n’est pas tellement qu’elle soit vraie ou fausse, que les faits rapportés soient exacts, c’est que l’histoire ait pu basculer à un moment pour devenir plus vraie que la vérité elle-même. »

Passionné d’Histoire, Yves Leblond s’intéresse en particulier à l’historiographie et à la manière dont s’impose l’histoire officielle.