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Les précieux
de Bernard Faÿ - 348 pages
Il était temps, car la mémoire de cet homme étonnant commençait à s’estomper. Or Bernard Faÿ a eu une vie tout-à-fait exceptionnelle et a laissé une œuvre qui ne l’est pas moins. Ce travail de réédition qui nous est annoncé commence par un livre, Les Précieux, qui est un remarquable livre de souvenirs.
Les souvenirs de Faÿ sont ceux du monde littéraire, artistique, culturel, politique, aussi, de l’entre-deux guerres, un texte absolument passionnant, et très bien écrit, fourmillant d’anecdotes. Faÿ nous fait entrer dans l’intimité d’une foule de personnages qui étaient ses collègues, ses pairs, ses amis, et qui sont devenus des monstres sacrés de la littérature et de la musique, notamment : Proust, Claudel, Cocteau, Radiguet, Morand, Giraudoux, d’une part, Darius Milhaud, Eric Satie, Francis Poulenc, d’autre part, sans compter les dadaïstes, mouvance à laquelle a appartenu son frère.
Les souvenirs, les autobiographies, les journaux intimes, constituent un genre littéraire spécifique, spécialement plaisant et instructifs quand ils sont bien écrits, sans sectarisme, par un témoin privilégié. Les Précieux appartient à cette catégorie.
Mais tout d’abord comment définir Faÿ ? Un écrivain ? Il a certes publié une bonne trentaine de livres, dont la nomenclature n’est pas si simple à réaliser, parce que Faÿ a mené une carrière universitaire tant aux Etats-Unis qu’en France, et a publié en anglais et en français. Fut un temps où ce diplômé de Harvard était plus connu là-bas qu’ici. Un historien ? Ses plus grands succès ont été des ouvrages historiques, des biographies d’Américains illustres, Washington, Roosevelt, Benjamin Franklin. Très vite Faÿ a été reconnu comme un grand spécialiste du XVIIIe siècle, le XVIIIe siècle français comme américain. Son Louis XVI, son livre sur la franc-maçonnerie au XVIIIe siècle, ceux sur les révolutions américaine et française, sont majeurs. Un aventurier politique ? On pourrait le croire quand on sait que ce monarchiste a combattu la franc-maçonnerie, a joué un rôle important sous Vichy, a été emprisonné, a été condamné aux travaux forcés à perpétuité, s’est évadé, a trouvé refuge en Suisse, et a fini en donnant des cours dans les écoles de la tradition, et des conférences aux séminariste de Mgr Lefebvre, prélat dont il était très proche.
Et si au fond Bernard Faÿ était tout simplement un universitaire, un érudit, un intellectuel, dont les talents se sont exercés dans de nombreuses directions ? Les persécutions qu’il a subies lors de l’épuration ont pour seule origine le fait qu’il ait été administrateur de la Bibliothèque nationale pendant l’Occupation, et qu’il ait continué à s’intéresser à la franc-maçonnerie, à cette même période, ayant pu avoir accès aux archives les plus secrètes du Grand Orient.