"Un puissant maître, un inconnu montreur de route" , tel est pour Zarathoustra le corps lui-même. Contre ceux qui le méprisent, le prophète de Nietzsche rappelle que le corps est pour chacun "une grande raison, une pluralité avec un sens unique, une guerre et une paix, un troupeau et un pasteur" ... Michel Onfray a parcouru sous de multiples formes ces états du corps générateurs d'idées. Au fil d'une quinzaine de livres, il a composé avec jubilation de belles pages sur les mille sensations qui envahissent le corps, le submergent ou le transportent. Parce que la pensée et l'écriture n'ont à ses yeux pas d'autre lieu de naissance, ni d'autre espace pour se déployer, il faut "réinvestir le corps, le rappeler, lui donner une dignité que, depuis les matérialistes grecs - Leucippe et Démocrite -, il n'a plus jamais eue, le restaurer dans ses prérogatives d'avant le judéo-christianisme, l'installer au centre, au coeur de chaque phrase, le placer derrière chaque mot écrit, chaque page publiée. Une idée se forge dans l'ombre et les plis du corps, elle se nourrit de lui, de ses forces, de ses faiblesses, de ses énergies, de ses défaillances". Le troisième volume du "journal hédoniste" est fidèle à ce choix. Il explore avec ferveur et attention l'arrière-goût mental, si l'on ose dire, de toutes sortes de rencontres, de Klimt à Kafka, de Lulu à Vélikovic, ou de Richard Wagner à Claude Lanzmann. Le résultat est plus ou moins heureux, selon la loi du genre. A mon avis, ce n'est pas quand Onfray joue les teigneux qu'il est le meilleur.