Fils d'un armateur protestant, mi-commerçant, mi-corsaire, Abraham Duquesne naquit à Dieppe en 1610. A neuf ans, son père l'embarqua comme pilotin pour un voyage au long cours, et il avait à peine quinze ans quand, pour le récompenser, Richelieu lui délivra un brevet de capitaine de vaisseau. Dès lors, sa voie était tracée. Hormis deux ans passés au service de la Suède en tant qu'amiral de la flotte, il voua sa vie entière à la mer et au service du roi de France, même lors de la Fronde. Lieutenant général à partir de 1668, il commanda l'escadre de la Méditerranée durant la guerre contre l'Espagne et la Hollande, fut le grand vainqueur du fameux amiral hollandais Ruyter, contribua largement à chasser les Barbaresques de la Méditerranée. Stratège et marin hors pair, il prit part à toutes les grandes batailles navales de son temps, fut l'artisan de très nombreuses victoires. Ses mérites ne furent cependant pas récompensés à leur juste valeur. D'abord à cause de son caractère intraitable et hautain - Colbert, son vieil ennemi, le surnommait " le Cent Diables " -, mais surtout en raison de son obstination catégorique à refuser d'abjurer sa religion, attitude qui lui coûta la charge tant convoitée de vice-amiral et le bâton de maréchal de France auxquels il pouvait normalement prétendre. Cependant, grâce à la protection personnelle de Louis XIV, Duquesne fut l'un des rares protestants épargnés par la révocation de l'édit de Nantes. Ainsi put-il, à soixante-quinze ans, prendre sa retraite, privant le roi de ses éminents services. Malgré la surveillance des argousins du lieutenant de police de La Reynie, il finit sa vie dans sa famille, échappant à l'exil auquel ses enfants furent contraints après sa mort qui intervint en 1688, à Paris.