"Travail, Famille, Patrie". Que reste-t-il de ce triptyque qui devait symboliser la "Révolution nationale" de l'Etat français lorsque, comme Patrick Buisson, on regarde la vie de la France occupée sous le prisme de la sexualité ? Rien, en vérité. Ou plutôt, une incroyable somme de contradictions. Dans une France vaincue et humiliée, qui aurait pu imaginer les effets d’érotisation que produiraient la peur du lendemain, la désagrégation des cellules familiales, la solitude, l’obscurité du black out et la promiscuité ? Qui envisageait l’explosion démographique débutant en 1942 alors que près de deux millions de jeunes Français sont retenus en Allemagne, soit prisonniers soit soumis au service du travail obligatoire ? Par un paradoxe qui n'est qu'apparent, Vichy comme la Résistance vont, chacun à sa manière, défendre face à l’émancipation des femmes un ordre patriarcal. En leur refusant, par exemple, le port du pantalon, un dossier devenu « affaire d’Etat ». De toutes parts s'exerce un contrôle social sur la femme seule tenue, par essence, pour "suspecte". Faudra-t-il, dès lors, s’étonner de voir les épurateurs de la Libération reprendre les canons de l’ordre moral vichyste pour punir, au premier chef, ceux ou celles qui ont joui ? Sans empêcher, dans le même temps, qu’avec les nouvelles troupes présentes sur le territoire national se prolonge une frénésie sexuelle similaire à celle de l’Occupation. Comme avec l’Etat français au lendemain de la débâcle, la Libération est l’occasion d’en appeler, par la gauche cette fois-ci, à la « purification des mœurs ». Les « maisons de tolérance » en feront les frais. Dans une somme couvrant aussi bien l'histoire politique, littéraire, cinématographique que la chanson, la mode ou les faits divers, Patrick Buisson accumule un nombre impressionnant d'anecdotes pittoresques, croustillantes, souvent désopilantes qui justifient une révision vertigineuse des schémas classiques d'analyse de cette période. Journaliste et politologue, créateur et animateur sur LCI d’émissions à succès comme « 100% Politique » ou « Politiquement Show », Patrick Buisson est aujourd’hui directeur de la chaîne Histoire.