Stendhal (1783-1842): «Je ne dois donc pas me plaindre du destin. J ai eu un lot exécrable de sept à dix-sept ans, mais, depuis le passage du mont Saint-Bernard (à 2491 mètres d élévation au-dessus de l océan), je n ai plus eu à me plaindre du destin, ainsi au contraire à m en jouer.» Henri Beyle (Stendhal) est fils de la Révolution française. Ayant perdu sa mère dès l âge de sept ans, il rejette son père, la monarchie, l Église, le monde ancien, et voue aux «vieux» une haine profonde, bien qu il fût sensible aux leçons d intelligence, d honneur et de plaisir de son grand-père, de sa grand-tante, de son oncle, tous membres d une famille réputée originaire d Italie, pays du bonheur. Mais, de la Révolution, Stendhal ne retient que l énergie, laquelle se passe volontiers de la morale. Il en trouvera l incarnation chez un Napoléon, dont, par-delà quelques critiques, il louera l épopée. Son style et son éthique en adoptent le caractère viril, lucide et passionné, sous la désignation de beylisme, avec cette pincée d esprit, de gaieté et d aristocratisme qu il retrouve dans la civilisation de l Ancien Régime et la culture des salons. Ses essais, études sur la peinture en Italie, sur la musique, l opéra, le théâtre, le romantisme, ses récits de voyages, ses articles anglais, son journal intime, ses autobiographies, sa correspondance, qui ont précédé ou accompagné une uvre romanesque, parfois inachevée, venue sur le tard, son expérience de la guerre, de l administration, de l exil, ses amours malheureuses mêmes, ont contribué à former un être singulier, original au plus haut point, qui a pris le contre-pied d un siècle abandonné à une modernité fade, uniformisatrice, industrielle et stupide, dont l Amérique sera, à ses yeux, le parfait exemple. Ce « Qui suis-je ? » Stendhal démontre que, chez l auteur de La Chartreuse de Parme, l uvre et l être sont indissociables.