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La Nouvelle Revue d'Histoire n°15
dirigé par Dominique Venner.
Rêves d’Empire
Sa fascination qu’exercent en Europe les figures d’Alexandre, Auguste, Charlemagne ou Napoléon ne se cantonne pas à l’attrait romantique pour des personnages hors du commun. L’Europe porte dans le secret de son imaginaire comme un rêve d’empire insatisfait. Pourquoi ce rêve d’empire, ce mythe de l’empire? On voit bien qu’il prend appui sur la mémoire diffuse de l’histoire, mais pour se projeter au-delà. Plus que la nostalgie de formes passées qui ne reviendront plus, ce rêve se nourrit d’un espoir d’entente, de conscience et de puissance.
Il n’est pas difficile de comprendre que cet espoir est né des catastrophes vécues par les générations précédentes. Il est né d’abord d’un besoin vital, celui de mettre fin pour toujours aux querelles fratricides qui nous ont saignés et rompus. Nous, c’est-à-dire les peuples issus du noyau celte et franc. Oui, saignés et rompus de 1914 à 1945, durant une nouvelle guerre de Trente Ans, dont nous ne sommes pas encore remis. Guerre qui nous a brisés dans notre âme et notre vitalité au point de faire de nous cet ensemble mou, dévirilisé, veule, cherchant à se prémunir de la violence des Barbar es par l’imploration, le discours moral et les plus viles flatteries.
Nous n’avons conservé l’ardeur ancestrale que pour ce qui échappe à notre culpabilisation: produire et vendre, même de l’illusion. C’est la part qui nous a été concédée. Mais quant au reste, fierté vraie, culte de la tradition nôtre, devoir de préférence et de pr otection pour les siens, cela nous est inter dit.
D’où ce rêve d’empire imprécis et informulé. Redevenir maître de soi et chez soi, pouvoir regarder ses enfants sans blêmir de honte, quitter un jour la vie en sachant l’héritage assuré.
Le rêve d’empire ne se fixe ni sur un personnage ni sur une époque ni sur une réalité historique précise, à plus for te raison sur un modèle institutionnel. C’est un rêve, un mythe, ayant de ce fait un pouvoir mobilisateur latent. Chacun sait, et notre dossier le montre, que, depuis Alexandre et par la faute d’Alexandre, l’histoire des empires européens est chargée de quelques lourdes équivoques, à commencer par un projet d’universalité qui n’a cessé de produire des calamités, mettant en péril plusieurs fois notr e sur vie ethnique et spirituelle. Mais le rêve d’empir e tel qu’il est perçu aujourd’hui est étranger à l’idée d’universalité. C’est un rêve européen, boréen. il commence avec la Rome des Césars, héritière de la Grèce homérique et classique, revitalisée par les apports celtes et germaniques.Il refleurit sous Charlemagne et tous ses successeurs. Ce rêve ne retient de l’histoire de nos empires que ce qu’ils ont affirmé de notre permanence à travers le temps, du Parthénon aux clochers de nos campagnes. C’est un rêve de vigueur et de beauté.