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La Nouvelle Revue d'Histoire n°16
dirigé par Dominique Venner.
Qui sommes-nous?
La vocation de notre revue n’est évidemment pas de prendre parti dans des débats politiques comme ceux du prochain référendum sur l’Europe. Mais dès lors où cette consultation revêt un caractère historique, il nous appartient d’en dégager la signification. Par avance, chacun sent bien que la portée du référendum prévu en 2005 dépassera de beaucoup la question par trop technique de la constitution pour inclure celle, plus directement perceptible et passionnelle, de la Turquie. C’est ce qui va faire de ce référendum un événement de première grandeur.
Pour la première fois dans leur histoire récente, des Européens – Français en l’occurrence – vont se poser une question les concernant en tant qu’Européens authentiques, membres d’une même communauté de naissance et de culture. Autour des mots “Europe” et “Européen”, les équivoques n’ont cessé de s’accumuler, provoquées par l’usage politique qui en est fait. Mais, cette fois, ce n’est plus une Europe politique, transitoire et discutable, qui est en cause, mais l’Europe de toujours, celle que symbolise l’Acropole d’Athènes, le Forum romain, nos cathédrales et nos villages quand ils sont préservés.
Dans le passé, l’enjeu des élections européennes est toujours resté soumis à la politique intérieure. Comme jadis lors des débats sur la CED (Communauté européenne de défense), le référendum sur le traité de Maastricht opposa, en un débat franco-français, souverainistes et fédéralistes de diverses obédiences. On restait dans un registre étroitement français. Cette fois, tout va changer. La toile de fond du référendum étant l’intégration des Turcs dans l’Europe, on échappe aux disputes franco-françaises. Chacun sent qu’il s’agit d’une question de vie et de mort, d’identité et de civilisation.
Bien entendu, les organisateurs du référendum diront et répéteront avec force que la constitution européenne n’a rien à voir avec la Turquie. Mais pourtant cette question, sans être posée, sera la seule que soulèvera réellement le projet de constitution puisque celle-ci suppose qu’un pays comme la Turquie pourrait faire partie de l’Europe.
Qu’est-on en droit de demander à une constitution européenne, sinon de dire en priorité ce qu’est l’Europe, définir son identité, fixer ses frontières? Si la constitution ne dit pas cela, à quoi peut-elle donc bien servir? Mais en réalité, elle répond à ces questions, bien que de façon masquée. Elle admet en effet implicitement qu’une population asiatique et musulmane comme celle de la Turquie, sans parler des masses turcophones qui afflueraient dans son sillage, peut être admise au sein de cette drôle d’Europe qu’elle a pour ambition de définir et d’organiser. On peut même dire que l’un des objectifs voilés de cette constitution est de favoriser l’inclusion de la Turquie en attendant d’autres pays du Moyen-Orient et du Maghreb. N’en déplaise donc aux organisateurs du référendum, le projet de constitution européenne et la question de l’intégration de la Turquie sont indissociables.
Constater que la Turquie n’est européenne ni du point de vue des origines, de l’histoire, de la culture, c’est observer un fait objectif n’impliquant ni hostilité ni mépris à l’égard des Turcs qui sont tout simplement différents de nous. Des relations de bon voisinage ne sont possibles que dans la clarté et la raison.
L’opinion perçoit parfaitement l’enjeu de cette affaire. Le sentiment de l’identité naît toujours de l’altérité. Dans l’Antiquité, les Grecs, nos ancêtres par héritage et cousinage, ne se découvrirent Grecs que devant la menace des guerres médiques. Plus tard, les Gaulois et les Germains de la partie européenne de l’Empire romain prirent conscience de leur étroite communauté face à l’invasion des Huns, puis à celle des Arabes. Ultérieurement, de la même façon, quelques événements forts ont laissé dans toute l’Europe le souvenir de moments d’intense conscience solidaire: la bataille navale de Lépante en 1571, le siège et la libération de Vienne en 1683, l’héroïque défense de Missolonghi de 1823 à 1826. Toutes proportions gardées, le référendum sur l’Europe impliquant le refus de la Turquie pourrait être l’occasion, à notre époque, pour les Européens de prendre pour la première fois conscience de leur identité.