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La Nouvelle Revue d'Histoire n°8
dirigé par Dominique Venner.
L’histoire n’est jamais finie
Epreuve fondatrice pour certains Algériens, drame épouvantable pour les pieds-noirs, la guerre d’Algérie fut aussi une guerre civile implacable entre Musulmans partisans ou adversaires de la France. Mais au regard de l’histoire, quand le moment sera venu, elle apparaîtra surtout comme un combat perdu par l’Europe face à l’Afrique pour la défense de sa frontière du Sud. La guerre d’Algérie s’inscrit dans la longue histoire du flux et du reflux européen de part et d’autre de la Méditerranée depuis plus de deux mille ans, depuis Rome et Carthage.
Les historiens de l’avenir diront que l’invasion de la France et de l’Europe par les foules africaines et musulmanes commença en 1962 avec la capitulation française en Algérie. En décidant d’amener son pavillon, de retirer ses troupes, de replier la population européenne, d’abandonner ses partisans indigènes, la France ne se mettait pas à l’abri comme elle le croyait. Elle retirait la garde qu’elle montait depuis 1830 en Algérie, ouvrant son propre territoire à l’invasion de populations dont ses médecins avaient favorisé la multiplication.
Une frontière, qui plus est une frontière ethnique, ne se défend bien qu’au-delà des lignes naturelles de partage, fleuve, montagne ou mer. Les aïeux des Espagnols l’ont appris à leurs dépens, en 711, année de leur conquête par les Maures. Une conquête qui se fit presque sans combat, grâce à des complicités multiples. Le coup d’arrêt ne fut donné que loin au nord des Pyrénées par Charles Martel et les Francs, à Poitiers, en 732. Et il s’en fallut encore longtemps pour que le flux s’inversât. Pourtant, après huit siècles de Reconquista, l’ancien conquérant fut rejeté en Afrique où le poursuivirent les armées de Castille et d’Aragon.
L’Europe reprenait ses marques. Charles Quint débarqua devant Alger en 1541 pour nettoyer ce nid de piraterie barbaresque. Sa flotte ayant été dispersée par une tempête, l’empereur fut contraint de rembarquer sans avoir pris la ville. Un chevalier espagnol, Ponce de Balagner, s’en alla planter sa dague dans la porte Babazoun en jetant ce défi : “Nous reviendrons !” Promesse tenue en 1830 par les Français.
L’histoire n’est jamais finie. Tout est toujours à refaire et les remparts à relever. Les victoires comme les défaites n’ont qu’un temps. Ce qui persiste et permet de renaître est plus solide que toutes les murailles. C’est quelque chose d’immatériel et de fort, présent dans le cœur de chaque homme et de chaque femme d’une même communauté quand celle-ci a conscience de ce qu’elle a d’unique et d’essentiel. Les Japonais, les Juifs, les Hindous et d’autres peuples possèdent ce trésor qui leur a permis d’affronter les périls de l’histoire sans disparaître. Pour leur malheur, la plupart des Européens, particulièrement les Français, imprégnés qu’ils sont d’universalisme, en sont dépourvus. Mais il ne faut désespérer de rien. Les épreuves tout à fait nouvelles qu’ils endurent commencent d’éveiller en eux le besoin d’exister intimement, de mettre de l’ordre en eux, ce qui ne va pas sans le désir du retour aux sources.
Voilà ce que suggère une réflexion ouverte sur la guerre d’Algérie. Parmi tous ses enseignements, elle montre aussi que l’impensable peut, contre toute attente, advenir. Vers 1960 et au-delà, l’impensable, c’était l’expulsion du million de pieds-noirs d’Algérie. Personne ne l’avait imaginé, pas même le général De Gaulle. Pourtant cela eut lieu en application du précepte “la valise ou le cercueil”. L’impensable c’était aussi, dans les décennies qui ont suivi l’indépendance, l’arrivée de plusieurs millions d’Algériens en France. L’impensable, aujourd’hui, c’est, par exemple, le retour chez eux de ces Algériens et d’autres immigrés africains. Retenons du passé que l’impensable peut, un beau jour, devenir réalité.